Le cèdre (Pinacées)
Aucun arbre, sans doute, n’est plus majestueux que ce cèdre.
Tous les cèdres fleurissent à l’automne.
Histoire, origines, croyances, toponymie et étymologie
«Cedrus » vient du latin qui est issu du grec ancien kedros d’origine incertaine, désignant plusieurs arbres résineux, notamment le cèdre et le genévrier. Ayant donné, en anglais cedar, en allemand Zeder et en italien cedro.
Chez les auteurs grecs, kedros a aussi désigné l’huile de cèdre et les objets réalisés avec son bois.
« Atlantica » vient du latin atlanticus, des régions de l’Atlantique, allusion à l’aire naturelle de cet arbre (Atlas marocain) et par opposition au Cèdre de l’Himalaya (Cedrus deodara).
Le héros (comparable à Héraclès), lors d’une de ses nombreuses aventures, affronte et terrasse avec l’aide des dieux le monstre protecteur d’une forêt de cèdres.
Le cèdre fut donc voué aux dieux dès la haute Antiquité.
Dans une légende égyptienne, Osiris fut enfermé dans un tronc de bruyère (voir cette espèce). Il y aurait là, vraisemblablement confusion avec le Cèdre.
La légende veut que le dieu égyptien Osiris ait été enfermé dans un coffre par son frère Seth, jaloux de son prestige, et que ce coffre ait été jeté dans le fleuve. Isis, son épouse, aurait retrouvé le cercueil à Byblos, en Phénicie, dans le tronc d’un arbre qu’un roi avait utilisé pour supporter le toit de son palais. Les uns affirment qu’il s’agissait d’un tamaris, d’autres d’un pin parasol, d autres enfin d’un cèdre — et sans doute cette dernière version du mythe est-elle la plus vraisemblable.
Les Anciens considéraient le cèdre comme un symbole d’immortalité. Les Egyptiens employaient son bois, incorruptible et odorant, à la fabrication des statues des dieux et des sarcophages. Ils lui attribuaient aussi une propriété divinatoire — son nom égyptien, âsh, signifie » gémir ». Les Grecs brûlaient son bois lors des sacrifices non sanglants. Les Asiatiques lui vouent une vénération séculaire. En Chine, il est planté dans les enclos sacrés. Au Japon, il est aussi très prisé par les moines bouddhistes et s’élève traditionnellement dans l’enceinte des sanctuaires.
o Le cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica)
Floraison
– Septembre. Les fleurs sont dressées, les mâles sont jaunes, les femelles vertes, en groupes séparés sur la même plante, à l’automne.
Pollinisation anémophile, la dispersion des graines est également anémophile.
Fructification
– Fruit : cône dressé, de ± 8 cm de long, ovoïde cylindrique (un peu en forme de tonneau) vert-pourpre devenant pourpre-brun et brun à maturité, présentant un creux au sommet, mûr en 2 – 3 ans qui se désarticule sur l’arbre.
Taille de 30 à 40 m à feuilles persistantes. Les feuilles ont 2 cm de long, à pointe aiguë, gris-vert à vert foncé. L’écorce est gris-foncé sur les vieux arbres, fissurée en plaques écailleuses. On le distingue facilement du cèdre du Liban par son port qui est plus élancé que celui du Liban.il ne craint pas le froid.
Multiplication
– Par semis.
Aire naturelle
– Régions montagneuses de l’Afrique du Nord (Atlas marocain et algérien) uniquement à l’état sauvage.
– Introduit en Europe en 1842.
Utilisations
Son bois est odorant, tendre, assez léger, et très durable (qualités proches de celles du sapin mais moins souple et moins résistant).
Autres usages :
– Bois de mine, charpente, poteaux, menuiserie (intérieure et extérieure), construction navale, ébénisterie, réalisation de coffre à vêtements (son odeur éloigne les insectes).
– Brûler de la résine de cèdre avec de la paille et du soufre pour enfumer et chasser les taupes.
– Aujourd’hui, on distille de son bois une huile essentielle chassant la vermine (réputée anti-mite pour nos armoires).
En parfumerie :
Le cèdre de l’Atlas délivre une odeur fortement boisée rappelant les copeaux de bois (du crayon à papier après le passage au taille-crayon). Il s’utilise aussi le cèdre de Virginie (Junisperus Virginia) issu des forêts du Texas et de Virginie, qui n’est pas de la même famille botanique que les autres cèdres mais de celle du genévrier.
On retrouve ces odeurs dans « Dolce Vita », « Héritage », « Cacharel » et « Féminité du bois » de Shisheido.
Usages médicinaux
Il est parfois utilisé comme sudorifique.
Les propriétés médicinales de cet arbre sont encore mal connues en raison de son introduction assez récente. De plus, c’est le cèdre du Liban qui est le plus souvent sollicité.
Malgré cela, en aromathérapie, on l’utilise pour soigner l’anxiété chronique, la cystite et les affections dermatologiques et des bronches. Et il pourrait jouer un rôle dans la division des cellules cancéreuses.
o Le cèdre du Liban (Cedrus libani) ou arbre du seigneur.
Histoire, origines, croyances, toponymie et étymologie
« Libani » vient bien sûr de Liban, son aire naturelle.
Il existe un ancien écrit sumérien, l’Epopée de Gilgamesh, dans lequel le cèdre tient un rôle symbolique.
Ce texte atteste que, dès la Haute Antiquité, les cèdres furent voués aux Dieux ; il est aussi le premier texte qui mentionne un bois sacré et fut peut-être à l’origine de la légende du Jardin des Hespérides :
« Ce jardin des Dieux, situé aux « confins de la Terre » sur les pentes du mont Atlas. Ce Dieu Atlas avait confié lui-même à ses filles, les Hespérides, la garde du « Pommier merveilleux » qui appartenait à la déesse Héra, épouse de Zeus. Ce pommier fut à l’origine de la conquête des « Pommes d’or » (donnant l’immortalité) du Jardin des Hespérides, 11e des travaux imposés à Héraclès (fils de Zeus) pour expier le meurtre de sa femme et de ses enfants. Il dut faire douze travaux, comme Hercule dut les faire selon la mythologie romaine. »
Le prestige du cèdre du Liban vient en grande partie du fait qu’il est cité plusieurs fois dans la Bible.
En tout état de cause, le cèdre par la qualité de son bois odoriférant et imputrescible, ajoutés à sa noblesse et sa longévité, ainsi que sa localisation en haute montagne, le prédisposait à jouer un rôle symbolique.
Dans l’Antiquité, les naturalistes grecs et romains confondaient le cèdre et le genévrier, à cause de leur côté odoriférant ; ils nommaient ainsi des arbres et des arbustes ayant ses propriétés cèdres, alors que c’étaient des genévriers. Il est peu probable qu’ils aient connu le cèdre du Liban.
Sa solidité à toute épreuve l’avait fait choisir pour la construction des jardins suspendus de Babylone et du temple de Salomon (à Jérusalem) sur le mont Liban au site d’El-Herze. L’écrivain français Lamartine en visite sur ce site en 1833 disait :
« Ces arbres sont les monuments les plus célèbres de l’univers. La religion, la poésie et l’Histoire les ont également consacrés….. Les Arabes de toutes les sectes ont une vénération traditionnelle pour ces arbres ; ils leur attribuent, non seulement une force végétative qui les fait vivre éternellement, mais encore une âme qui leur fait donner des signes de sagesse, de précision, semblables à ceux de l’instinct chez les animaux, de l’intelligence chez les hommes. Ils connaissent d’avance les saisons, remuent leurs vastes rameaux comme des membres, ils étendent ou resserrent leurs coudes, ils élèvent vers le ciel ou inclinent vers la Terre leurs branches, selon que la neige se prépare à tomber ou à fondre. Ce sont des êtres divins sous la forme d’arbres….. Chaque année, au mois de juin, les populations chrétiennes…. De toutes les vallées voisines, montent aux cèdres et font célébrer une messe à leur pied. »
Malheureusement ces arbres, notamment dans la forêt du Djebel Liban, située à 2000 m d’altitude, lieu de pèlerinage qui ne compte plus que 400 arbres (certains auraient plus de 2500 ans), sont au bord de la disparition. Les guerres récentes y contribuent.
Un botaniste anglais soutenait qu’en fait le temple se Salomon à Jérusalem (celui de Diane à Ephèse et celui d’Apollon à Utique) seraient faits de poutres de genévriers, en réalité. Qu’en penser !
Pourquoi ne pas dire aussi que les mentions du cèdre dans la bible seraient douteuses !
Fort heureusement, d’autres forêts de cèdres sont beaucoup moins dégradées : au mont Taurus en Turquie et dans les montagnes de la Syrie.
Il fut introduit en Europe au XVIIe siècle, en 1646, dans le jardin du pasteur de Childrey dans la vallée de la Tamise. Les deux premiers spécimens de cèdre du Liban furent introduits en France en 1734, par Bernard de Jussieu. Ils trônent, d’ailleurs toujours de leur superbe cime élargie, l’un au jardin des plantes à Paris, l’autre à Noisy-le-roi, au bord de la route de Versailles.
L’anecdote selon laquelle cet illustre botaniste (faisant partie d’une grande famille de botanistes avec ses frères et ses neveux), à l’origine lui-même d’une classification des plantes, apporta ces deux cèdres en 1734 dans son chapeau au Jardin du Roi, n’est pas une légende. Ayant trébuché dans la rue, les pots contenant les jeunes plants, se brisèrent. Son chapeau lui servit à les transporter. Ces plants importés n’étaient pourtant pas originaires du Liban, mais venaient d’Angleterre où on le cultivait depuis fort longtemps (1646).
Au XVIIIe siècle, le cèdre du Liban devint l’ornement obligé des parcs. Joséphine, à la nouvelle de la victoire de Marengo, planta à Malmaison un cèdre qui y vit encore de nos jours. Grâce à cette mode, nous pouvons admirer aujourd’hui de très beaux spécimens, surtout en Angleterre.
Au XVIIIe siècle, le duc de Richmond en implanta un bon millier près de Goodwood.
Mais pour autant, l’espèce était devenue rare et n’était presque plus utilisée.
À partir de 1840, elle a été remplacée par le cèdre de l’Atlas qui, tout en étant tout aussi beau, est très souvent planté sous sa forme « glauca », le cèdre bleu. Ce dernier a été utilisé pour reboiser les basses montagnes méditerranéennes comme à Bedoin (Vaucluse) qui est connu par le triste massacre de ses habitants sous la Révolution. Ce village, sur le versant sud du Ventoux, fut rayé de la carte, car l’Arbre de la Liberté planté alors fut coupé, une nuit. Le coupable, ne s’étant pas dénoncé, le village fut incendié et 63 habitants furent guillotinés.
Floraison
– Septembre. Les fleurs sont dressées, les mâles sont bleu-vert devenant jaunes en s’ouvrant, les femelles sont vertes, en groupes séparés sur la même plante, à l’automne (libérant un pollen jaune).
Pollinisation anémophile, la dispersion des graines est également anémophile.
Fructification
– Fruit : cône dressé, de ± 12 cm de long, ovoïde cylindrique (un peu en forme de tonneau) pourpre-brun et brun à maturité, présentant un creux au sommet, mûr en 2 – 3 ans qui se désarticule sur l’arbre.
Taille de 25 à 40 m à feuilles persistantes. Il pousse d’un mètre tous les deux ans. Les feuilles, de 4 cm de long, sont en rosettes denses, vert à gris-vert. L’extrémité des rameaux pend nettement. L’écorce gris-foncé se craquelle verticalement en vieillissant. On le distingue facilement du cèdre de l’Atlas par son port étalé. Les plantes âgées sont caractéristiques : le feuillage est porté par des faisceaux larges de branches étalées sur plusieurs troncs massifs.
Multiplication
– Par semis.
Aire naturelle
– Liban et sud-ouest de la Turquie, dans les forêts d’altitude.
– L’usage excessif du cèdre du Liban, dans la construction des jardins suspendus de Babylone et du temple de Salomon (à Jérusalem) sur le mont Liban au site d’El-Herze, l’ont conduit au bord de l’extinction. Il existe encore quelques centaines de géants, entre 1200 et 1800 m d’altitude. Le plus grand atteint 40 m et mesure 15 m de circonférence, son âge est estimé à 2500 ans.
Utilisations
– Son bois est odoriférant, d’une solidité à toute épreuve, résistant et est très beau.
– La résine odorante sert depuis l’Antiquité comme encens, dans les cosmétiques, l’embaumement, le traitement de la lèpre et des parasites.
– Ce qui l’a rendu célèbre sur tout le pourtour méditerranéen au point d’être décimé.
– L’exploitation de l’essence de cèdre du Liban est interdite (principalement pour une utilisation en parfumerie).
o Le cèdre de l’Himalaya (Cedrus deodara)
Ce très beau cèdre a été introduit en Angleterre dès 1832. Il était originaire du Népal et du Cachemire. C’est un arbre plus rustique. C’est celui qui est le plus riche en résine à l’essence le plus forte, il peut atteindre 60 m. on le trouve en Himalaya et en Afghanistan jusqu’à 3000 m.
o Le Cèdre du cloître de Moissac
Un ermite à l’abbaye : nn cèdre dans un cloître, original ! À Moissac, l’un d’eux ombrage de sa majestueuse silhouette l’ancienne abbaye. Un arbre peut être catalogué « remarquable » – appellation mal contrôlée, soit dit en passant – à plusieurs titres : son Histoire, sa forme, sa taille, sou âge, etc. Ces motifs lui sont propres et ne tiennent pas compte du contexte environnemental dans lequel il vit. Un arbre peut aussi être exceptionnel si l’on considère le cadre dans lequel il se trouve. Il forme alors avec le site un ensemble tout à fait remarquable. C’est le cas du cèdre du Liban qui ombrage de sa stature majestueuse le cloître de l’ancienne abbaye de Moissac.
Le même arbre, localisé dans un parc ou isolé sur un boulingrin, serait incontestablement un bel arbre… sans plus. Le site qui l’accueille est d’une rare beauté : un cloître élégant, datant de la fin du XIe siècle et, à proximité, une deuxième merveille, le tympan roman du portail de l’ancienne église abbatiale (début XIIe siècle). Un cèdre dans un cloître n’est pas chose courante. Mais on ne peut éviter d’être frappé par la charge symbolique qui se dégage de cette rencontre. Espace carré, isolé du monde et propice a la déambulation méditative des moines, un cloître possède, en son centre, un puits et un arbre, le plus souvent un cyprès toujours vert, conjonction de l’eau souterraine et de la frondaison qui s’élève dans le ciel. Ici, le centre est vide et le cèdre que nous admirons est complètement décentré vers la galerie sud ! Cette anomalie très surprenante s’explique par le fait qu’il est le reste d’une abondante végétation qui, au début du XXe siècle, occupait de façon tout à fait paradoxale le cloître. Les anciennes illustrations et les guides de l’époque montrent le cloître ombragé d’arbres magnifiques, pins, cèdres, magnolias… Faire d’un cloître un jardin d’agrément est un contresens qui fut corrigé par la suite : on ne laissa que le cèdre. Sa conservation en ce lieu est peut-être due à la force symbolique et religieuse de cette espèce. Dans toute la Bible, circulent des références à la grandeur, à la force, à la noblesse de cet arbre et à Incorruptibilité de son bois. Salomon en fit la charpente du temple de Jérusalem.
Un puissant symbole
Les cèdres du Liban qui ornent les parcs sont d’age récent au regard des merveilles architecturales romanes. Introduits au XVIIe siècle, ils se sont admirablement bien acclimatés au climat tempéré et humide de l’Europe occidentale et leur croissance a été rapide, au détriment de la solidité de leur bois. En quittant les monts arides du Liban ou du Taurus, leur cœur, traditionnellement dur et résistant, est devenu tendre et fragile. Les grosses branches font illusion et se cassent facilement… Mais les symboles persistent et le cèdre du cloître de Moissac, bien que vulnérable, donne une impression de puissance qui convient à la dignité des lieux.
Il y a plus. La forme générale des cèdres du Liban s’inscrit dans une sorte de coupole. Les grosses branches et la cime s’étalent à l’horizontale, contrairement à celles du cèdre de l’Himalaya, autre habitant de nos parcs, dont la flèche s’élève droite et verticale et aboutit à une forme conique. En dépit de l’exiguïté des lieux, le cèdre de Moissac est conforme à l’architecture générale de son espèce. Étrange correspondance avec le célèbre tympan voisin de l’ancienne basilique. Celui-ci représente une vision de l’Apocalypse, où vingt-quatre vieillards entourent le Christ-Dieu bénissant. Les vieillards se répartissent en strates horizontales sous la voûte en berceau. Cette structure fait immanquablement penser à celle du cèdre voisin : coïncidence fortuite ou volonté délibérée de respecter un symbole ?
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merci de trouver ce blog intéressant