Le tilleul (Tiliacées)
o D’Amérique (Tilia americana)
o À petites feuilles (Tilia cordata) les fleurs sont jaune pâle, le pétiole est grand (4/5 du limbe), les feuilles comportent des poils roux à la base des nervures. Le bourgeon a 2 écailles, les branches arquées sont retombantes avec une cime arrondie étalée, l’écorce a des fissures en long. De taille légèrement inférieure à celui à grandes feuilles.
o De Crimée (Tilia x euchlora) semble résister aux acariens et a une meilleure résistance aux pucerons, mais ces fleurs contiennent une substance narcotique souvent fatale aux abeilles
o Commun (Tilia x europaea)
o Intermédiaire ou De Hollande (Tilia intermedia x vulgaris) croisement du tilleul à petites feuilles et à grandes feuilles. Il peut atteindre 45 m de haut. Ses ramifications souterraines entrent en rivalité avec la raine principale.
o De Mongolie (Tilia mongolica)
o À grandes feuilles (Tilia platyphylos)
o Argenté (Tilia tomentosa) est une variété cultivée, le dessous des ses feuilles est gris. Ses fleurs sécrètent des sucres indigestes qui empoisonnent les insectes trop gourmands. Ses feuilles scintillent au clair de lune.
o D’Olivier ( Tilia oliveri) originaire de Chine semble le plus résistant mais il est rare, son implantation s’est faite dès le début du XXe siècle. Il a des branches lisses et grises et des grandes feuilles plates.
o Tilia japonica
o Tilia petiolaris
o Tilia henryana
o Tilleul de Suède est une variété cultivée.
Les espèces sont parfois difficiles à identifier en raison d’hybridations naturelles ou horticoles.
En France, on connaît 4 espèces, Tilia cordata, Tilia platyphylos, Tilia x europaea et Tilia tomentosa.
Certains tilleuls isolés ont la forme d’un ovale parfait. Le tilleul est une essence de demi-lumière, à couvert dense et croissance rapide. Le tronc est droit, l’écorce lisse présente des crevasses sur des sujets de plus de 20 ans.
Les feuilles tombées au sol donnent une litière riche en matières minérales (calcium, phosphore, potassium, azote et magnésium). L’humus, issu par décomposition, est doux et à la propriété d’améliorer et de conserver les sols.
Spécificités du tilleul à grandes feuilles (Tilia platyphylos) :
Floraison :
– Juin à juillet.
– Mellifère. Le miel de tilleul est parmi les meilleurs.
Pollinisation entomophile, la dispersion des graines est anémophile.
Fructification :
– Fruit : sec indéhiscent globuleux, souvent velu, à 3 ou 5 côtes saillantes, porté par un long pétiole muni d’une bractée foliacée persistante.
Taille de 20 à 35 m à feuilles caduques. Les feuilles ont une base asymétrique, le pétiole est petit (1/2 du limbe), les nervures portent des poils blancs. Les bourgeons comportent 3 écailles. Les branches sont montantes et la cime est conique.
Multiplication :
– Rejet de souche, drageonnement (les vieux sujets ont tendance à drageonner autour de la base dont il faut se débarrasser) et bouturage. La reproduction par semis est aléatoire (les graines germent plus difficilement en tout cas celles ayant échappées aux rongeurs et insectes).
Histoire, origines, croyances, toponymie et étymologie :
Pendant longtemps, on a prétendu que le tilleul était sexué (un pied mâle et un pied femelle), mais le tilleul étant hermaphrodite on pense que la confusion se faisait avec l’orme. Même Linné* en son temps quand il a défini le genre Tilia aborda ce problème mais sans trancher. Ce n’est que bien plus tard que cette vérité fut établie.
*Trois branches de la famille de Linné, le célèbre botaniste, portaient un nom lié au tilleul (Linné, Lindelius, Tillander).
Dans la région d’Aix-en-Provence, on a découvert un spécimen de Tilia qui fut daté à – 50 millions d’années. Le climat alors chaud et humide faisait cohabiter cette essence avec d’autres plus exotiques.
« Tilia » est le nom de cet arbre en latin qui a donné tiliolus en latin populaire, puis tilluel (XIIIe s.) et enfin tilleul (XVe s.).
Pour les grecs, le nom vient de son liber : « tilos ».
« Platyphyllos » signifie en grec ancien grandes feuilles, allusion aux feuilles de cet arbre qui sont plus grandes que celles de T. cordata.
« Cordata » est dérivé du latin cordis signifiant cœur, allusion à la forme en cœur des feuilles.
On retrouve son nom dans plusieurs localités : Tillay, Le Tilleul, Tilleux, Tillou,… en France, et Tilleur, Tilly, Tillier, Tilleul-au-Bois, Montignies-le-Tilleul,… en Belgique, démontrent l’importance de cette espèce dans la toponymie.En Allemagne la ville de Leipzig tire son nom du tilleul en langue slave locale. En polonais le mois de juillet se nomme lipiec qui vient de lipka signifiant tilleul.
Une légende rapporte que c’est sous un tilleul que Siegfried tua le dragon Fafnir ; alors qu’il se baignait dans le sang de la bête pour devenir immortel, une feuille de tilleul vint se poser entre ses omoplates, son cœur restant lui vulnérable. Ce qui lui valut d’être tué pars son adversaire sous un autre tilleul.
Nombreux sont les tilleuls qui ont fait l’objet de pratiques superstitieuses ou fétichistes :
– Les ligatures : pour se débarrasser de certaines maladies, on nouait un cordon, une tresse de paille à un arbre.
– Le clouage : planter un clou dans l’arbre permettait de faire passer le mal de dent ou la maladie. On y clouait également des étoffes (coiffes, vêtements, foulards, bandages,…) qui avaient été en contact avec la blessure ou la maladie.
– Dans le Nord, l’écorce d’un tilleul sacré était prélevée par les jeunes filles voulant se faire épouser.
– On lui prêtait également d’avoir une influence sur les conditions atmosphériques.
– En Scandinavie, il eût même longtemps la réputation d’exorciste, les habitants se munissaient parfois de massues en bois de tilleul qui éloignait les mauvais génies.
– On le tenait comme l’ancêtre de la famille et était considéré comme arbre lumière.
– Les fleurs étaient ramassées à la St Jean (Béarn), également à la St Jean mais pas avant deux heures sonnées (Bretagne), la récolte effectuée avant-midi (Poitou), on secouait l’arbre pour en chasser la vermine, le jeudi saint, afin d’obtenir une récolte abondante (Vosges).
– Au Moyen Age on l’appelait le bois sacré : lignum sanctum.
Les tilleuls furent utilisés comme gibets, mais aussi comme arbres de justice sous lesquels les juges de l’époque officiaient. On établissait la vérité lors d’un procès sous un vieux tilleul, les celtes allaient jusqu’à affirmer, qu’à l’ombre d’un tilleul, la vérité se faisait jour et que le parfum des ses fleurs inclinait les juges à la clémence et aux plaideurs de conciliation. L’abondance des tilleuls auprès des édifices religieux, de même que leur usage encore récent comme arbres votifs, notamment arbres à clous laisse penser que le choix des emplacements des chapelles et des églises était souvent déterminé par d’anciens lieux de cultes païens. On lui prêta des pouvoirs oraculaires, on compta jusqu’à 14 tilleuls vénérés et certains furent même consacrés. Le clergé a toujours combattu avec vigueur ses superstitions.
Le tilleul est dédié à Vénus, symbole de l’amour et de la fidélité donnant les symboles de l’amour conjugal et de l’amitié. Ces feuilles en forme de cœur n’y seraient pas étrangères.
Dans l’ex-Tchécoslovaquie, il est considéré comme l’arbre national.
Le tilleul était d’ailleurs considéré comme sacré par les peuples germaniques et comme l’arbre des amoureux. Charlemagne en fit planter sur chaque place de village où l’on dansait, où l’on délibérait et où les jugements étaient rendus.
Une légende raconte qu’un téméraire est sorti indemne après avoir absorbé de l’arsenic mélangé à du charbon de bois de tilleul.
Quelques tilleuls remarquables :
– Le tilleul de Sagy (Saône et Loire) ou tilleul d’Henry IV : il fut planté en l’an 1551 (circ 9,13m / 12m haut), devint arbre de la Liberté* en 1792 et fut classé monument historique en 1909.
– Le tilleul de Neustadt en Allemagne : On lui prête plus de 1000 ans, ses branches sont soutenues par 106 colonnes de pierres gravées pour certaines des noms des personnes les ayant érigées.
– Le tilleul de Fribourg en Allemagne : sa plantation remonterait à 1476, plus tard au XVI e siècle, son ombrage abritait une cour de justice.
– Le tilleul de Villars-en-Moing en Allemagne aurait plus de 1250 ans.
– Le tilleul de d’Abélard (Cluny).
– Le tilleul de Samoëns (Haute-Savoie) planté n 1436.
– Le tilleul de Brieulles-en-Bar (Ardennes) aurait plus 1500 ans.
– Le tilleul Le tilleul d’Upsted en Allemagne aurait été planté vers l’an 800 à peu près vers la date du couronnement de Charlemagne.
– Certains tilleuls en Lituanie aurait plus de 2500 ans.
* La tradition des arbres de la Liberté ne s’est pas éteinte avec l’arrachage systématique qui fut pratiqué à la Restauration. À noter qu’à Rouen des individus, ayant scié des arbres de la Liberté, furent condamnés à mort. Après la seconde guerre mondiale lors de la Libération, l’on planta des tilleuls qui furent honorés tous les 14 juillet, ils étaient arrosés, ce jour-là, de vin rouge.
Utilisations :
Son bois est à grain fin, et homogène, clair (entre blanc et jaune pâle, exposé à l’air, il devient rosâtre), tendre, facile à travailler car flexible, a une exceptionnelle résistance aux insectes et aux champignons, a une grande capacité à résister à l’éclatement (apprécié pour cette raison des sculpteurs), très rétractable au séchage mais stable ensuite, peu durable en utilisations extérieures. On considère également son bois comme un médiocre combustible, séchant rapidement avec un grand pouvoir d’imprégnation (traitements de protection et teintures).
Autres usages :
– Autrefois : écorce (tille) utilisée pour la confection de cordages (le liber, qui est le tissu végétal conduisant la sève, fournissait des cellules fibreuses très solides dont on fabriquait des cordes résistantes à l’humidité pour les puits ou la marine connues sous le nom de bast ou bass pour les anglo-saxons, d’où le nom vernaculaire du tilleul américain, basswood. Ces fibres subissaient un traitement identique à celui du lin : le rouissage consistant en une décomposition par l’eau. Ce savoir faire perdu à fabrication laborieuse avec une résistance moindre que les fibres du chanvre ou synthétiques actuels permettaient à l’époque de confectionner des cordages, filets de pêche, nasse à homards et même des chaussures) et d’objets tressés, saboterie, ustensiles de cuisine, bobines de fil, crayons, allumettes longues, carrosserie, jouets, boîtes, lutherie, instruments de dessin, boucliers, flèches, javelots, manches à balais, maillets, toupies, rondelles de moules à fromage, empreintes sculptées pour impression de tissus, vannerie, cerclage des tonneaux, pallissage…
– Actuellement : bois de modelage par excellence, il est très utilisé pour les ouvrages demandant beaucoup de travail à la main. Sculpture, cadres, tournage, orfèvrerie : boîtes et coffrets gainés, moulures, tournerie, crayons, pâte à papier, panneaux de fibres et de particules, jouets, lutherie (caisse de résonance, touches de pianos et d’orgues car son bois a la faculté de vibrer harmonieusement), marqueterie (composition de fleurs), meubles laqués asiatiques, manches de pinceau, et planches à dessin.
Usages particuliers : charbon de bois utilisé en dessin, filtre ; arbre d’ornementation ; combustible brûlant rapidement mais dégageant une forte chaleur rayonnante. Son bois a tendance à ne plus être utilisé à cause de sa rareté malgré sa qualité.
Usages médicinaux :
Les fleurs sont antispasmodiques, calmantes, sudorifiques, diurétiques. La tisane de ces fleurs, digestif classique, combat la tension nerveuse et l’insomnie (voire l’excitation infantile). En faisant transpirer, elle lutte contre les refroidissements, la grippe et les maux de tête à condition qu’elles aient été cueillies fraîches propriété perdues au bout d’un an. Au delà elles garnissaient des petits sachets de tissu qui protégeaient des méfaits de la passion . Elle peut aussi aider à abaisser la pression sanguine et prévenir l’artériosclérose. À tort, l’infusion fut prescrite pour soigner des grandes névroses, hystéries et épilepsies.
L’écorce est anti-inflammatoire.
Le cambium limiterait calculs rénaux, goutte et affections coronariennes.
Les feuilles sont émollientes et adoucissantes (en décoction).
L’aubier est cholagogue (qui favorise l’élimination de la bile), antispasmodique, diurétique, antidiabétique.
L’eau de tilleul, tonique de la peau, entre dans la composition de produits pour le bain, allégeant les douleurs rhumatismales.
On l’utilise dans des produits cosmétiques.
On raconte qu’un oreiller rembourré de fleurs de tilleul donne un sommeil réparateur, même aux revêches insomnies.
Pour être de qualité, la fleur du tilleul doit être cueilli dans les quelques heures qui suivent son éclosion. Le parfum dégagé est suave et euphorisant, plus prononcé chez le tilleul argenté.
Un tilleul produit dès 6-7 ans 6 kg de fleurs, 30 kg à 20 ans, 70 kg à 50 ans et peut atteindre 160 kg de fleurs à 70 ans. L’infusion des fleurs fut utilisée dès la Renaissance, la consommation annuelle en France est estimée à environ 500 tonnes, produite pour moitié sur le territoire, le reste étant importé d’Asie et d’Europe centrale. Les cours très bas empêchent une production autosuffisante.
Un bon cueilleur de fleurs récolte 15 à 30 kg par jour. Les femmes travaillent les rameaux coupés, jetés à terre. Les hommes, grâce à des échelles efflanquées à leurs sommets, cueillent les fleurs des bractées moins accessibles. Pendent à leurs cous, des « saquettes » pour le ramassage. Cette activité, plutôt familiale, est peu rentable. 6 variétés clones de tilleul sont préférées pour faciliter cette cueillette ayant comme qualités la précocité et l’abondance de la floraison et la résistance des branches au poids des échelles. Séchoirs et greniers permettent le séchage des fleurs étalées durant 4 jours à une semaine, les fleurs étant remuées chaque jour. 15 à 30 kg de fleurs fraîches donnent 4 à 5 kg de fleurs séchées.
Maladie (s) :
– Gui, Acariens (le phytopte qui provoque des galles sur le pétiole des feuilles), chenilles de papillons (surtout celle du sphinx du tilleul), coléoptères (buprestes du tilleul), pucerons (« Tilia euchlora » a une meilleure résistance aux pucerons, mais ces fleurs contiennent une substance narcotique souvent fatale aux abeilles), arbre sensible à la pollution atmosphérique.
– D’une manière générale, les feuilles et les bractées peuvent subir des invasions de pucerons, lors des années de sécheresse exceptionnelle, qui suintent un miellat (met très apprécié des abeilles, mais donnant un miel plus foncé moins apprécié des connaisseurs).
– On lui connaît des maladies spécifiques pour certaines assez rares : « la maladie du rouge », « la cercosporiose », « l’anthracnose », la pourriture sèche (par des champignons provoquant la mort de l’arbre).
Malgré tous ces soucis, c’est un des arbres les plus résistants aux maladies et son bois a une exceptionnelle résistance aux insectes et aux champignons. Associé à d’autres cultures, il devient plus résistant.
Le tilleul des Baronnies (sud de la Drôme)
Cette région est la patrie du tilleul et de l’olivier. Il fut longtemps « un arbre de route » (la cueillette des fleurs se faisait par adjudication, approvisionnant les finances municipales), mais l’élargissement des routes, le sel répandu l’hiver contre le verglas, une récolté malaisée ont eu raison de ces arbres.
Dans cette région, on peut voir des vergers de tilleuls, assez rare en France, on note même des tilleuls truffiers.
La politique des élus départementaux est de réintroduire des tilleuls en bord de route, sur des terrains en friche et dans les espaces verts.
La production de cette région fut longtemps reconnue comme le tilleul de Carpentras (Vaucluse) qui était en fait la gare de départ pour l’acheminement et l’approvisionnement du marché national.
La Confrérie des Compagnons du Tilleul, créée en 1985, a comme chartre la promotion du tilleul de leur terroir. Des réunions ont lieu lors de foires comme à Buis-les-Baronnies ou à La Charce.
Leur devise « Ut Semper in Baronnis Tilia Vivat »
« Pour que toujours le Tilleul vive en Baronnies »
ehhh .. j’aurais dû passer par là avant de clore mon écrit sur le tilleul … que de précisions intéressantes ! j’ai fait pour ma part impasse sur Charlemagne, passant allégrement des druides à Henri IV. Mais j’ai bien mentionné Tillay, Tillou et quelques autres. J’ai dû en oublier pas mal. Si dans vos soutes vous en avez quelques-uns, je suis preneuse. A bientôt.
très interessant.
merci !