L’if (Taxus baccata) Taxacées
Il fait partie de la famille des conifères, de cette civilisation qui la première a inventé la graine.
L’if est un conifère (qui veut dire qui porte des cônes). Le sapin ou le pin portent des cônes verts portant eux-mêmes à l’aisselle de leurs écailles des ovules. Les cônes, une fois ouverts, sont pollinisés à l’aide du vent. Une fois fécondés, ils brunissent et referment leurs écailles en protection. Mûrs, ils se détachent un à un, s’ouvrent en libérant les graines au sol.
La graine a permis aux plantes de miniaturiser leurs ovules, jusqu’à devenir minuscules chez les plantes à fleurs. Aussi, la plante possède toujours la cellule femelle protégée dans un ovule porté par la plante-mère. Mais la plante ne se donnera pas la peine de faire de cet ovule un œuf bourré de réserves alimentaires tant qu’un grain de pollen ne viendra pas le féconder. La nature ne remplit plus le garde-manger, s’il n’y a pas de bébé à nourrir. Et, tant qu’à faire, puisque les ovules ne grossiront qu’une fois fécondés, autant les produire plus petits au départ.
La très forte densité de son bois lui ont permis de résister à l’ère glaciaire. Comme chez les ginkgos et les cycas, il y a deux arbres un pied mâle et un pied femelle (dioïque). Au printemps, l’arbre mâle émet au moindre choc un nuage de poussière jaune doré formé de millions de graines de pollen disséminé par le vent. Si un ovule de l’arbre femelle reçoit un grain de pollen, sa paroi durcit. À peine durci, au lieu de croître aussitôt fécondé, il se met en attente et peut rester ainsi des années, jusqu’à ce que les conditions lui plaisent pour germer. Ce fut une révolution scientifique dans le monde des plantes. La vie en conserve. La graine de l’if fut ainsi l’une des premières à apparaître. Par contre l’if tout entier est toxique. Au point que ceux des cimetières sont accusés d’avoir contribué, jadis, à décimer le parc hippomobile des pompes funèbres. Car, pendant qu’on s’occupait des morts, les chevaux broutaient les ifs pour tromper l’ennui. Ce leur fut fatal. Seule, la pulpe rouge qui entoure la graine très coriace et résistante est comestible et appétissante. Ainsi, les oiseaux assurent la dissémination des graines par voyage intestinal et volatile gratuit. Ce fruit rouge est un arille qui résulte de la transformation de la cupule contenant l’uvule ; celui-ci devenant charnu et rouge. En se développant, elle recouvrira partiellement la graine donnant l’impression d’une baie.
Floraison
– Février à mai suivant les régions.
– Dioïque exceptionnellement monoïque.
Pollinisation anémophile et dispersion des graines par les oiseaux (grives et merles) qui consomment les arilles et rejettent les graines intactes.
Fructification
– Fruit : graine entourée d’un arille (les gamins l’appelaient autrefois « culotte de Zouave », faisant référence aux pantalons bouffants teintés à la garance tinctoriale de ces soldats africains), charnu rouge-pourpre, laissant apparaître la graine appelée les « rubis » de « la robe de nuit ».
– L’if n’est pas fécond avant l’âge de 25 ans, par la suite sa croissance ralentit considérablement.
– La baie est comestible, mais la graine est toxique pour les animaux à sang chaud. Même les rameaux et les feuilles sont dangereux pour les chevaux, les ânes et le vaches. Certains animaux sauvages s’en accommodent comme le chevreuil et le sanglier.
Taille de 15 à 20 m, à feuilles persistantes.
C’est un arbre qui nécessite la main de l’homme pour prospérer en forêt, à croissance lente à reproduction compliquée, aimant les lieux ombragés sur des sols riches ou calcaires. Le tronc, même à un âge avancé, comporte des rides profondes agrémenté de bosses et de nœuds. Ses branches repoussent facilement lui conférant un habillage serré. On l’utilise pour former de belles haies. A ce titre, il comptait dans l’art topiaire : des ifs, dans les jardins de Versailles, représentant des animaux furent admirer de toute l’Europe. Cet art avec cette espèce subsiste en encore en Écosse.
L’if de Fortingall en Écosse, avec une circonférence de 16 m, est le plus vieux spécimen vivant connu, avec un âge estimé à 9000 ans. D’autres seraient millénaires : cimetière de Bradburg (Kent), parcs d’Eastwell près d’Ashon et de Crowhurst (Surrey).
Multiplication
– Par graine : très longue.
– Rejet de souche (rare chez les conifères).
– Marcottage, bouturage.
Histoire, origines, croyances, toponymie et étymologie
« Taxus » trouve son origine dans le mot indo-européen « tecs » signifiant travail habile (le bois de l’if se sculpte aisément). Selon certains auteurs « taxus » viendrait du grec ancien « taxis » signifiant arrangement (allusion à la disposition régulière des feuilles). En latin « taxus » désigne l’if mais aussi une pique ou une lance. On en fabriquait avec son bois, mais aussi des arcs et des flèches.
Plusieurs appellations sont connues : ivos (en gaulois issu du celte « ibor »), ive, iveteau, ivette et ifreteau de nos jours.
Bon nombre de localités rappellent dans leur toponymie l’installation sur leur site des tribus utilisant l’if, comme les Eburons en Gaule Belgique et les Eburovices, littéralement : les combattants par l’if. York, capitale du Yorkshire, se nommait Eboracum. Évreux dérive également de la même racine évoquant l’usage de l’if, comme Embrun, Ebreuil, Ivry, Évry, etc.
L’if fait partie de ces arbres pionniers ayant inventé la graine. Des spécimens en Europe dont celui d’Edron dans la forêt anglaise de Cliefdon aurait 3000ans, son tronc mesure 25m de circonférence, il serait contemporain d’Homère. Dans le cimetière d’Estry (Calvados), un if de 1700 ans a abrité dans son tronc une chapelle avec fonts baptismaux jusqu’au siècle dernier. Aujourd’hui cette cavité sert d’abri de jardin.
La croissance de l’if étant très lente, les druides le croyaient immortel, souvent millénaire. Il fut le favori des jardins à la française car il se laisse bien tailler et on le trouve souvent dans les cimetières.
Les Anciens, ayant constaté la toxicité de cet arbre, l’if devint alors le symbole de la mort, même son ombre était considérée comme maléfique. De fait, il est vrai que l’if contient un dangereux alcaloïde nommé taxine.
L’if est un arbre sacré du druidisme et bien des objets cultuels étaient fabriqués dans son bois dont le fameux bâton druidique ou des tablettes de prières, etc.
Depuis la Haute Antiquité, son bois a servi à fabriquer des armes, des piques, des lances, mais surtout des arcs et des flèches ; À tel point que cette espèce a presque disparu dans certaines régions, surtout pendant la guerre de cent ans. Ce bois alliant les qualités de résistance et d’élasticité à la toxicité de cet arbre.
On retrouve d’ailleurs ce côté toxique dans la littérature : dans Hamlet, le père empoisonné après que son frère Claudius ait versé dans son oreille « l’hébénon » suc tiré de l’if, afin de s’emparer du trône et de la reine. Dans Macbeth, des sorcières anglaises utilisent en macération dans un chaudron des boutures d’if détachées pendant l’éclipse de la lune.
Les Celtes et les Vickings croyaient en l’immortalité de cet arbre et en avait fait le symbole de la vie éternelle. Les ifs étaient souvent des lieux de cultes de la fertilité et on leur prêtait d’éloigner les forces du mal, mais il était considéré comme néfaste d’apporter des branches d’if à l’intérieur des maisons. L’Église catholique récupéra et christianisa ces rites païens, c’est pour cela que l’on retrouve souvent des ifs près des cimetières.
Les Grecs et les Romains avaient dédié cet arbre à Hécate, déesse des Enfers, qui présidait aux expiations mais aussi aux charmes magiques ; À Rome, lorsqu’on sacrifiait à Hécate des taureaux noirs, ils étaient décorés de guirlandes d’if destinées à attirer les esprits infernaux qui pouvaient boire le sang des victimes et être ainsi apaisés.
L’if est donc l’arbre de la mort, nom qui lui est demeuré en allemand (Todesbaum) et en italien (abero della morte), mais cet arbre doué d’une longévité hors du commun, comme la persistance de son feuillage pouvait aussi constituer une promesse d’immortalité, voire de survie dans l’autre monde auquel il appartenait. C’est à ce titre qu’il figurait dans les cimetières.
Les Romains signifiaient leur deuil en se coiffant de couronnes d’if. Par contre, ils n’aimaient pas s’aventurer dans les sombres et inquiétantes forêts qui furent défrichées pour laisser place aux sapins à croissance rapide.
Les Égyptiens importaient le bois de l’if, non-indigène chez eux, pour la fabrication des sarcophages.
Jadis, les arcs réputés étaient en bois d’if. À la bataille d’Azincourt (1415) les Anglais en étaient pourvus ; les meilleurs étaient d’origine ibérique. Les Gaulois utilisaient des flèches empoisonnées avec de l’if.
Dans plusieurs pays, les braconniers pouvaient endormir les poissons des étangs en y plongeant des branches d’if dont l’effet narcotique était tel que la pêche se réalisait à la main. L’if contient, en effet, un alcaloïde paralysant, la taxine.
Histoire médicale
L’if est une ressource médicale importante.
L’histoire de la découverte du Taxol, substance anticancéreuse et toxique de l’if, commence au début des années soixante. 35 000 espèces végétales (soit 1/15e de toutes les espèces connues) furent passées au crible pour apprécier leur éventuelle activité anticancéreuse par le National Cancer Institute (NCI). Ainsi, un extrait brut de l’if du Pacifique (Taxus brevifolia) donna le Taxol présentant un intérêt en chimiothérapie anticancéreuse. Un inconvénient pourtant, le Taxol s’extrait de l’écorce du tronc des ifs, ayant entraîné une destruction massive de cette espèce sur la côte Pacifique des États-Unis. En 1988, 12 000 ifs (Taxus brevifolia et non Taxus baccata) ont ainsi donné 2 kg de Taxol, une substance anticancéreuse (leucémie, cancer du sein, de l’ovaire, du poumon, mélanomes et également lutte contre le paludisme).
Un arbre d’une centaine d’années ne fournit que 1 gr de taxol. Sa molécule, ayant été identifiée dans les années soixante, comporte 112 atomes ; c’est justement cette complexité qui stimula les chimistes à poursuivre leurs recherches. Entre 1983 et 1993, plus de 330 équipes se sont mises à la tâche pour tenter de synthétiser cette molécule et ses dérivés. Ces recherches conduisirent une équipe française (P. Potier) à utiliser l’if commun (Taxus baccata) comme matière première pour la synthèse du taxol et ses dérivés. Cette recherche continue et permettra peut-être de découvrir des molécules mieux tolérées par l’organisme (les effets secondaires des molécules actuelles sont parfois sévères) et plus efficaces encore.
Les chercheurs se tournèrent alors vers la mise au point « d’analogues » synthétiques du Taxol. On s’attacha à profiter de l’extraordinaire disposition de l’if à se laisser tailler. Aussi, le feuillage de l’if commun (Taxus baccata) intéressa de nouvelles recherches. Après de grandes plantations en France et en Italie, on réussit avec cette matière première, à obtenir une substance voisine du Taxol, le Taxotère. Son usage clinique a confirmé que celui-ci possède une activité antitumérale intéressante qui aboutira, en 1994, à sa mise sur le marché thérapeutique.
Utilisations
Son bois vert est souple et élastique, devenant avec l’âge le bois le plus dur et le plus compact de toute l’Europe.
– Autrefois, il était utilisé de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge pour faire des arcs et son jus pouvait servir à empoisonner les flèches (chez les gaulois). On en fabriquait également des massues, des marteaux et des fléaux.
– Actuellement, il est très prisé surtout en ébénisterie, mais aussi pour le placage, la marqueterie, la sculpture, le bois tourné, les instruments de dessin et de mesure. La solidité de son bois permet toujours de l’utiliser pour les arcs, les béquilles, les cannes, les manches de gros parasol. Il fait toujours figure d’ornementation dans les parcs et les cimetières et en haies taillées.
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