Le platane (Platanacées – le platane étant la seule espèce de cette famille)
o Commun (Platanus x acerfolia) appelé parfois Platanus x Hispanica hybride des deux suivants
o D’occident (Platanus occidentalis)
o D’orient (Platanus orientalis)
o Platanus orientalis var. Cretica , rare à feuilles persistantes
L’espèce peut atteindre un très grand âge. Elle est originaire d’Asie occidentale où elle croit en montagne.
Cultivée depuis fort longtemps par l’homme, elle s’est peu à peu répandue dans toute l’Europe.
Spécificités du platane commun :
Floraison :
– Mai à juin.
Pollinisation anémophile et entomophile, la dispersion des graines est également anémophile.
Fructification :
– Fruit : akène (boule hérissée) muni de poils à la base, formant une boule de 2,5 à 3 cm de long, munie d’un long pédoncule qui se désagrège très lentement.
Taille de 30 à 40 m à feuilles caduques. Ses feuilles découpées en 5 lobes très pointus, eux-mêmes subdivisés, évoquent une « main ouverte ». l’écorce de cet arbre s’exfiole en plaques rouge-brun ou verdâtres sur un fond lisse et très clair, laissant devenir un semblant de marqueterie renouvelée tous les ans.
Les feuilles du platane d’Occident, elles, d’une longueur et largeur de 20 cm sont à 3 lobes. Il pousse plutôt dans les lieux humides et fertiles.
Les feuilles du platane d’Orient sont découpées jusqu’à la moitié du limbe et ont 5 lobes dentés. On le trouve dans les bois des montagnes, les bords de rivière et également dans les lieux humides.
Multiplication :
– Rejet de souche et bouturage.
Le platane, sa personnalité et ses goûts :
Notre platane est un arbre monoïque, c’est-à-dire que sur le même arbre, nous trouverons dès le mois d’avril des fleurs groupées en chatons, soit mâles, soit femelles. Ces dernières, une fois fécondées par le pollen véhiculé par le vent, donneront de petits fruits secs ou « akènes », réunis en capitules globuleux, ces « boules » que nous connaissons bien. Les graines ont en général un faible pouvoir germinatif, mais elles sont très abondantes et, de plus, les pépiniéristes savent bien que le platane peut aisément se multiplier par bouturage. Il serait banal de dire que le platane est un grand et bel arbre, mais si d’autres essences le surpassent en taille ou en longévité, on peut trouver dans le livre des records la mention du plus gros platane de France qui dépasserait 39 mètres de hauteur avec 8 mètres de circonférence. Cet arbre dont l’identité spécifique serait à préciser, se trouve à Santenay, au sud du département de la Côte d’Or ; ce serait aussi le plus vieux, puisqu’il aurait été planté à l’époque d’Henri IV, vers 1599, et aurait donc maintenant 403 ans ! (on peut aller le voir au Château Philippe le Hardi).
À Lamanon (Bouches-du-Rhône), un très beau platane mesure 7,20 m de circonférence : enfin, au Parc de la Tête d’Or à Lyon, on pouvait encore voir, il y a quelques années un très beau platane de 40 mètres de haut et de 5,65 m de circonférence qui serait âgé de 250 ans.
Le platane aime les sols légers, profonds et frais tels qu’on en trouve dans les vallées des grands fleuves et des rivières. Il s’approche même volontiers des berges des cours d’eau où il plonge alors une partie de ses racines.
Il aime la pleine lumière et c’est pourquoi, dans nos régions, il ne constitue jamais de peuplements serrés et ne se trouve pas en forêt. Il a en outre besoin pour son plein épanouissement d’une longue saison de végétation : c’est dire que ce n’est pas un montagnard. Et si l’on peut voir des platanes plantés en Ardèche, à 700 m d’altitude (Saint Julien-Boutières), ceux-ci n’auront jamais le développement de leurs semblables plantés en plaine. Mais, dira-t-on, les conditions idéales pour le platane sont rarement remplies : le sol compacté et asphalté de nos rues, par exemple, n’a rien à voir avec ces sols légers et profonds dont rêve le platane et celui-ci pousse quand même ! Et si cet arbre est fait pour les climats ensoleillés et chauds, nous savons qu’il remonte jusqu’au Nord de notre pays et bien au-delà encore. C’est ce qui nous fait dire que le platane a une grande facilité d’adaptation aux conditions difficiles de sol et de climat. Il supportera aussi les pollutions si fréquentes en milieu urbain et notamment celles qui sont dues aux gaz d’échappement des voitures : il supportera tout… ou presque, comme nous allons le voir ! Et cet arbre, compagnon de nos journées, que nous donne-t-il ? D’abord son ombre, bien entendu. Imaginez le Midi sans ses platanes : si les cigales qui chantent dans ses frondaisons pourraient aller se réfugier ailleurs, où donc iraient les joueurs de pétanque.
C’est aussi une plante tinctoriale parfois utilisée par certains. Puis, lorsque sa carrière est finie, le platane peut nous donner son bois. Sait-on que le bois du platane, brun rosé, est un bois dur, lourd et de grande valeur que l’on peut comparer à celui du hêtre.
Malheureusement, pour différentes raisons dont nous parlerons plus loin, ce bois est en général totalement déprécié par des pourritures internes et il ne peut plus alors servir qu’à alimenter nos cheminées.
Histoire, origines, croyances, toponymie et étymologie :
« Platanus » vient du latin platanus, lui-même issu du grec ancien platanos dérivé de platus qui signifie large et plat, allusion à la grandeur des feuilles de l’arbre.
« Hybrida » signifie hybride en latin, allusion à l’origine incertaine de cet arbre.
« Acerfolia » vient du latin acer signifiant pointu et folium, feuille, littéralement à feuilles pointues, allusion aux feuilles qui ressemblent à celles du genre Acer (Erables).
Platane en français a la même origine que son nom scientifique en passant par d’anciennes formes comme plaitoine, plantoine et platan. En anglais « plane tree ».
Le Platanus x Hispanica hybride de culture doit ce nom car il est apparu en Espagne au XVIIe siècle et est répandu depuis par les pépiniéristes du fait de ses vertus de robustesse, de résistance à la pollution urbaine et à celle du tassement racinaire tout en étant insensible à certaines maladies fongiques. De nos jours cet hybride est très répandu et fut largement planté à Londres au XIXe et XX siècle au point qu’on l’est surnommé « le platane de Londres », représentant d’ailleurs 60 % des plantations d’arbres dans cette capitale.
Platane, le compagnon de route :
Bel emblème des villes et des bords de routes et particulièrement dans le sud de la France, le platane doit subir tous les aléas des activités humaines : pollution et blessures en tous lui font la vie dure.
Parler du platane comme d’un ami de l’homme va nous conduire tout d’abord à parler de ses origines. Les premiers restes fossiles attribués à ce genre datent de la fin de l’ère secondaire, c’est-à-dire il y a environ 90 millions d’années. C’était alors, nous disent les géologues, la fin du Crétacé, période où apparaissent les premières plantes à fleurs (les Angiospermes), car le platane, comme nous le verrons plus loin, fait partie des plantes à fleurs, s’opposant ainsi aux fougères, par exemple, qui elles sont plus anciennes encore. Il y a donc 90 millions d’années, des platanes existaient dans les terres arctiques et notamment la région que nous appelons de nos jours Groenland, région dont le climat était alors sans doute très différent de ce qu’il est actuellement. Il n’y avait encore à cette époque aucun homme sur la Terre. Les restes fossilisés de ces platanes (des feuilles et quelques graines) ne nous permettent évidemment pas de faire de cet ancêtre une description détaillée. On peut cependant sans risque de se tromper avancer que les platanes du Crétacé n’étaient pas exactement les mêmes que ceux que nous connaissons ; ils en étaient toutefois assez proches et il est remarquable de voir avec quelle constance ce genre a traversé les millénaires.
Des origines à nos jours :
L’homme apparaît enfin sur notre globe : c’est l’ère Quaternaire, celle où nous vivons, dont les géologues ont fixé le début à plus d’un million cinq cent mille ans. Nos lointains parents ont donc pu voir comme nous des platanes et se reposer à leur ombre. Des restes de ces arbres ont été retrouvés dans les Hautes-Pyrénées et au Mont-Doré. Mais la Terre continue à être le siège de grands bouleversements, notamment dans le domaine climatique : au cours du Quaternaire vont se succéder quatre grandes périodes glaciaires s’étendant chacune sur plusieurs dizaines de milliers d’années. Lors de ces épisodes, régions au climat tempéré vont ainsi se transformer en déserts glacés où ne pourront subsister qu’un petit nombre d’espèces végétales. La dernière période glaciaire, celle du Würm, élimina ainsi d’une large portion du territoire la plupart des arbres, et notamment le platane qui disparut du » Groenland où il ne revint jamais… Il disparut aussi de l’Europe du Nord où l’on trouve encore à Hanovre des restes vieux de 300 000 ans. Mais alors que tant d’espèces végétales ou animales disparurent à jamais du globe, le platane surmonta ces vicissitudes et vint se réfugier dans des contrées où le climat était resté clément. Ces refuges furent, entre autres, l’Asie mineure et la péninsule Balkanique où il existe encore. Ce « platane d’Orient », comme le baptisera plus tard le botaniste suédois Linné (1707-1778), est ainsi mentionné dans l’ancien Testament au livre du Prophète Ézéchiel (31, v.8) (Ézéchiel – 593, – 571), puis par les anciens auteurs grecs tel Hérodote (-484, – 420). Ce dernier décrit un arbre à larges feuilles qui est très certainement le platane connu en Grèce de nos jours. On assiste alors au retour progressif de ce platane dans les contrées d’où le froid l’avait chassé : cette reconquête se fera grâce à l’homme. Le platane fut ainsi réintroduit en Italie par les Romains vers l’année 300 ou 360 avant Jésus-Christ et les auteurs latins, Cicéron puis Virgile, le mentionnent dans leurs écrits. Par la suite, l’amitié de l’homme pour le platane, ou plus prosaïquement son intérêt pour cet arbre, l’incita à l’introduire plus au Nord : se répandant lentement à travers l’Europe, le platane d’Orient, vers 1551 ou 1560, parvint en Angleterre, grâce probablement au Chancelier F. Bacon ; puis le grand naturaliste Buffon (1707-1788) l’introduisit au Jardin des Plantes à Paris (vers 1785) où l’on peut toujours l’admirer. Mais il s’agissait toujours du platane d’Orient, assez différent de celui que nous côtoyons chaque jour, et reconnaissable à ses feuilles profondément échancrées par des sinus (n. m., échancrure séparant deux lobes ou deux segments) arrondis. Or, de l’autre côté de l’Atlantique existait et existe encore une autre espèce de platane, localisée à la côte Sud-Est des États-Unis. Ce platane qui fut appelé « platane d’Occident » dérivait bien sûr aussi des mêmes ancêtres que le platane d’Orient. La feuille du platane d’Occident ne ressemble pas exactement à celle du platane d’Orient, ni non plus à celle de notre platane habituel, mais il n’y a, à cela rien de bien étonnant, chacune des deux espèces ayant évolué séparément au cours des millénaires passés. Cependant, il arriva au platane d’Occident la même chose qu’au platane d’Orient : l’homme s’intéressa à lui et l’introduisit en France, mais probablement d’abord en Angleterre, en 1636 : importé des USA (Virginie) par le botaniste Tradescant. Il retrouva ainsi dans le jardin botanique d’Oxford le platane d’Orient, son « frère » pourrait-on dire, qu’il avait perdu de vue depuis quelques millions d’années. Les « retrouvailles » furent chaleureuses, si chaleureuses qu’elles se terminèrent… par un mariage ! Et à la fin du XVIIe siècle (vers 1670), dans le Jardin botanique de Chelsea à Londres, serait né un hybride résultant du croisement entre le platane d’Orient et le platane d’Occident : c’est cet hybride qui peuple nos villes et borde nos routes actuelles. Toutefois, les premières mentions de cet arbre datent seulement de 1703 (Tournefort). Pour être complet, signalons que certains botanistes situent ce mariage et la naissance qui s’en suivit, non pas à Oxford en 1670, mais en Espagne vers 1650. Mais cette belle histoire d’amour, bien que fort plausible, ne fit pas l’unanimité et d’autres botanistes, non moins sérieux que les premiers, considérèrent notre platane actuel non comme un hybride, mais comme une variété issue du seul platane d’Orient. C’est toutefois la première thèse qui fut retenue considérant notre platane comme un hybride, et on sait depuis peu avec certitude que c’était la bonne : les techniques modernes de biologie moléculaire viennent enfin d’apporter la preuve des croisements anciens ; montrant d’ailleurs qu’il y en a eu plusieurs, d’où plusieurs origines géographiques possibles.
On connait des spécimens de Platane d’Orient vieux de plus de 2 000 ans comme dans le Caucase en Azerbaïdjan : le tronc creux de ce dernier pouvait accueillir 100 personnes, cette dimension hors norme lui a conféré une dimension spirituelle. D’ailleurs certains arbres vénérables ont abrité des tombeaux devenant sacrés et même associés à des déesses hindoues ou des saints musulmans.
Une question de nomenclature :
Après le mariage, la naissance, il fallut songer au baptême : comment nommer le nouveau venu ? Il y eut plusieurs propositions. Platanus hybrida Brot. ne satisfaisait que ceux pour qui notre platane était un hybride, opinion controversée comme nous venons de le voir. Platanus hispanica Moench., le platane d’Espagne, ce que ne pouvaient admettre ceux pour qui cet arbre était apparu en Angleterre. Platanus vulgaris Spach. semblait trop banal. Enfin, Platanus acerifolia Willd, que l’on pourrait être tenté de traduire par « platane à feuilles aiguës » (acer = « aigu, acéré ») fut finalement la dénomination retenue. Mais cette traduction, étymologiquement exacte, ne correspond pas à celle adoptée par les botanistes pour lesquels acer désigne un érable (peut-être parce que cet arbre possède aussi des feuilles aiguës !). Notre platane devrait donc s’appeler en français « platane à feuilles d’érable », dénomination au demeurant fort peu satisfaisante comme nous allons l’expliquer.
En effet, si les feuilles du platane commun ont effectivement quelques similitudes avec celles de certains érables de nos régions, ils appartiennent les uns et les autres à deux familles bien distinctes : il n’est pour s’en convaincre que de comparer leurs fruits réunis chez le platane dans ces « boules » que nous connaissons bien, ou au contraire, ailées et réunies par deux (disamares) chez les érables. Mais il y a plus grave, car deux espèces d’érables parmi les plus courantes s’appellent l’une l’érable faux platane (Acer pseudo-platanus) qui est notre sycomore, et l’autre l’érable plane (Acer platinoïdes), c’est-à-dire l’érable qui ressemble au platane !
Et pour accroître encore la confusion déjà existante, déroutante pour une personne non prévenue, considérons maintenant la terminologie anglo-saxonne : le platane d’Occident est l’American sycomore (ou en abrégé sycamore), bien différent de notre sycomore qui, rappelons-le, est un érable et non un platane (en anglais, l’érable sycomore s’appelle Sycomore maple), différent également du sycomore de la Bible (Luc, 19, v.4) qui serait le « figuier des pharaons » (Ficus sycomorus). Et notre platane commun s’appelle en Angleterre : London plane, différent avons-nous vu de notre érable plane, appelé en anglais Norway mapple ! Et faut-il pour clore cet imbroglio de la nomenclature ajouter qu’en Espagne, si le platane commun appelé Platano, platane désigne aussi… la banane ! Quant au platane d’Orient ; c’est l’Oriental plane. Mais notre platane, comme d’ailleurs les espèces évoquées plus haut, comporte en outre plusieurs variétés distinctes : ce qui ne simplifie pas le travail des botanistes, certains, considérant comme espèces nouvelles ce que d’autres appellent des variétés.
Ces considérations sur la nomenclature botanique du platane peuvent paraître vaines et il est vrai que la systématique conduit à bien des excès et ne peut intéresser qu’un très petit nombre de botanistes spécialisés. Mais il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse consistant à dire que, pour le commun des mortels, il ne sert à rien de connaître le nom des plantes, car comment aimer celui ou celle que l’on ne sait point nommer ?
Marcel Pagnol qui n’était pas botaniste mais qui aimait la nature, exprime sur ce sujet une opinion qui ne nous laisse pas indifférent. Parlant dans un de ses ouvrages de son petit camarade d’enfance Lili, tué pendant la Grande Guerre, il nous dit que cet événement avait eu lieu dans une noire forêt du Nord et, pour ajouter encore à la tristesse de ce drame, il précise que Lili était tombé « sous la pluie sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms » ! La mort aurait sans doute été moins cruelle si elle l’avait frappé sur des touffes de thym ou encore à l’ombre des platanes !
Et pour les amateurs de botanique, précisons encore que le platane est le seul genre de la famille des Platanacées, petite famille dont la position systématique est d’ailleurs discutée, mais proche de celle où nous trouvons les saules, les peupliers ou les bouleaux. Quant au genre Platanus, outre les trois taxons dont nous venons de parler (notre platane hybride, le platane d’Orient et le platane d’Occident), on pourrait mentionner le Platanus pyramidalis (Rivers) Henry & Flood répandu en Angleterre, Belgique, Hollande ainsi que dans le Nord et le Nord-Ouest de notre pays et très commun à Paris (allée Buffon au Jardin des Plantes). En fait, les analyses moléculaires déjà évoquées ont montré que c’était aussi un hybride, de morphologie un peu différente de Platanus acerifolia. D’autres espèces existent sur le continent américain ainsi qu’au Laos (Platanus kerii Gagn.).
Le platane d’Orient fut l’arbre sacré de la Lydie, province monarchique fondée à Sardes (située au milieu de la cote de l’actuelle Turquie), qui eut une grande influence en Grèce. C’est un arbre originaire d’un région allant des Balkans à la province du Cachemire au Moyen-Orient. C’est vraisemblablement de Crète que les Grecs reçurent le platane. Une tradition ancienne en Grèce voulait que son ombrage était l’endroit idéal pour sources et puits. Il y était vénéré comme appartenant à la déesse Terre-Mère ; cette déesse bénissait de sa main ouverte, les cinq doigts étendus (rappelant la feuille du platane), geste de bienveillance de la déesse, symbole que l’on retrouve fréquemment dans l’art crétois (statuettes représentant la déesse).
Un platane aurait été le témoin des épousailles de Zeus et d’Europe.
Arrivé dans le pélogène, le platane fut dédié à Hélène (fille de Zeus) épouse de Ménélas qui fut enlevée par le Troyen Paris et mit fin à ses jours sur l’île de Rhodes en se pendant aux branches d’un platane. Hélène était surnommée « dendritis », c’est-à-dire « des arbres ».
Romains et Grecs estimaient le platane ; ils pensaient qu’il éloignait les chauves-souris et que ses capitules ou inflorescences ou fleurs, mélangées à du vin, neutralisaient le venin des serpents et des scorpions.
Certains romains estimaient tellement le platane qu’il le nourrissait avec du vin pur. C’est dire !
Mais ils adoraient cette espèce surtout pour son ombrage frais et sa remarquable longévité. Il avait été introduit en Italie en 390 avant J.C. qui contribua à son expansion en occident du sud au nord, assez lentement d’ailleurs.
Hippocrate consultait sous un énorme platane de la ville de Kos. située sur une île au large de la côte turque. Ses branches énormes, soutenues par des colonnes antiques, couvraient toute la place publique, son tronc mesurait 14 m de circonférence. C’est sous l’ombre de ce platane que Hippocrate, il t a donc 2500 ans, recevait ses malades.
Lors de la première croisade, un platane situé près d’Istanbul (Constantinople), aurait abrité Godefroy de Bouillon lors d’une de ses étapes.
Le premier platane, apparu en Grande-Bretagne en 1561, fut le platane d’Orient (Platanus orientalis) concurrencé par le platane d’Occident (Platanus occidentalis), apparu lui en 1636, venu d’Amérique du Nord. Ce dernier étant plus massif et pouvant atteindre 50 m contre 30 m. Comme nous l’avons vu plus haut, ces deux espèces se croisèrent pour donner un hybride fertile : le platane commun, lui plus résistant que ses deux parents aux pollutions urbaines et aux élagages répétés. Cet hybride, né au jardin botanique d’Oxford, connut un tel succès puisque actuellement 60 % des arbres de Londres sont des platanes communs.
Utilisations :
Son bois est homogène (voisin du hêtre) a de bonnes qualités mécaniques et est assez peu durable. Sait-on que le bois du platane, brun rosé, est un bois dur, lourd et de grande valeur que l’on peut comparer à celui du hêtre.
Autres usages :
– Autrefois : charronnage, carrosserie, jouets, galoches,! raquettes de tennis.
– Actuellement : placages, menuiserie, ébénisterie, crosses de fusils, instruments de dessin et de musique et tournerie.
– Malheureusement, pour différentes raisons dont nous parlerons plus loin, ce bois est en général totalement déprécié par des pourritures internes et il ne peut plus alors servir qu’à alimenter nos cheminées.
Usages particuliers :
– C’est un bon combustible, arbre utilisé en ornementation (alignements).
– Depuis l’Antiquité, on utilise le Platane pour l’ornementation en alignements le long des routes, des avenues, des places. II s’adapte à tous les sols, ne craint pas la pollution atmosphérique et supporte bien la taille.
– C’est aussi une plante tinctoriale parfois utilisée par certains.
Usages médicinaux :
L’écorce et les feuilles sont astringentes.
Si son pollen n’est pas allergisant, par contre les poils des fruits le seraient particulièrement chez les asthmatiques. Cet inconvénient ne l’a pas écarté des milieux urbains où ses autres qualités lui vaut d’être largement implanté.
Le platane et ses ennemis :
Et pourtant, malgré les services qu’il rend, le platane a des ennemis, des ennemis parmi les hommes eux-mêmes, au premier rang desquels il faut citer les automobilistes. Ceux-ci, en effet, invoquent le lourd tribut de 1 200 morts par an à la suite de chocs contre les arbres (qui d’ailleurs ne sont pas tous des platanes) bordant nos routes. Bien que l’homme soit en principe un être doué de raison, il ne fallait pas espérer limiter cette hécatombe en incitant les conducteurs à respecter les vitesses imposées. Aussi, le Ministère de l’Équipement a-t-il, dès 1984, donné des instructions précises à ses services pour faire en sorte que les arbres nouvellement plantés soient situés au moins à 4,75 m du bord de la chaussée. Et dans le cas des plantations existantes, cette distance doit être au minimum de 2,50 m avec une glissière de sécurité. Il y a aussi une autre catégorie de citoyens qui n’affectionne guère le platane : ce sont ceux qui y sont allergiques, soit au duvet présent sur les feuilles, soit encore aux poils situés à la base des akènes et qui sont libérés lorsque au printemps les « boules » de l’année précédente se désagrègent. Mais ce genre de désagrément ne dure pas longtemps et ne concerne heureusement qu’une très petite minorité d’individus.
Maladies :
Des blessures qui servent de porte d’entrée aux parasites :
En automne, il n’est pas rare de voir brûler les feuilles mortes au pied des arbres, tandis qu’à la fin de l’hiver la pratique consistant à brûler les herbes sèches des talus, amène rapidement les flammes à lécher la base des troncs. Le feu a le grave inconvénient de détruire les tissus vivants que l’écorce au rhytidome (partie morte et externe de l’écorce du tronc d’un arbre) caduc ne protège qu’imparfaitement. Et à la faveur des lésions ainsi produites vont s’installer des champignons parasites.
Qui n’a jamais observé le long des routes les épareuses pourvues d’un bras articulé au bout duquel est adapté sous un carter protecteur, un broyeur à marteaux. Ces engins permettent ainsi de broyer la végétation indésirable sur de grandes distances. Mais le travail des épareuses devient extrêmement dangereux s’il consiste en outre à détruire les rejets à la base des arbres, voire certaines branches elles-mêmes. Ces engins peuvent en effet transmettre des maladies sur de grandes distances, sans parler du résultat consternant sur le plan esthétique, puisqu’il reste, après leur passage d’affreux moignons déchiquetés ! On pourrait penser à la lecture de ce qui précède, que les blessures infligées aux arbres concernent uniquement l’appareil aérien. Il n’en est rien et l’ouverture de chantiers, voire de simples tranchées en zone urbaine aboutit fréquemment à sectionner des parties importantes du système racinaire.
Mais les blessures les plus spectaculaires, les plus dangereuses aussi, sont celles qui sont dues à l’élagage des platanes réalisé dans le but de donner à l’arbre une forme souvent très éloignée de son port naturel, ou plus prosaïquement, afin de récolter du bois. La tronçonneuse permet de faire rapidement un grand nombre de coupes et surtout de couper sans fatigue des branches d’un calibre important. Le résultat est assez navrant sur le plan esthétique, mais d’autres raisons peuvent être invoquées pour refuser une pratique qui n’est en fait qu’une mutilation traumatisante. Ces blessures, de grande superficie et souvent horizontales vont en effet capter les spores des parasites avec la plus grande facilité… de même que l’eau de pluie permettant leur pénétration et leur germination. Les champignons polypores sont les plus fréquents et les plus nuisibles. Ils ne se contentent pas de faire des fructifications en forme de consoles marron noir ou blanchâtres accolées au tronc ou aux branches des platanes. Ils en creusent profondément le bois en le pourrissant et le rendent cassant et dangereux.
Le chancre coloré du platane :
Le chancre coloré tue un arbre en quelques années. Cette maladie a été détectée à la fin des années 1970, du côté de Marseille.
C’est le parasite le plus redoutable qui pénètre dans les arbres à la faveur des blessures. Il s’agit du Ceratocystis fimbriata ou platani qui provoque le chancre coloré du platane. Le plus redoutable, car si les champignons lignivores dévorent le platane par l’intérieur, la décomposition du bois qui en résulte est relativement lente à s’installer (5 ans, 10 ans ou plus) et en général, ils ne provoquent pas – au moins directement – la mort des arbres, alors que l’agent du chancre coloré tue ceux-ci en 3 ou 4 ans. Ce parasite, nous ne pourrons pas le voir à l’œil nu (c’est un champignon microscopique), sinon dans des cas très exceptionnels et alors, de préférence avec une bonne loupe. Il est pourtant bien présent sous forme d’un microscopique mycélium, dans le bois et l’écorce des arbres atteints qu’il empoisonne littéralement par ses toxines que véhicule la sève. Mais si nous ne voyons pas le champignon responsable, les dégâts qu’il provoque sont rapidement perceptibles pour un bon observateur. Ce sera d’abord l’aspect languissant du feuillage chlorotique (adj., atteint de chlorose. La chlorose se caractérise par un étiolement et un jaunissement des feuilles dus à un trouble de nutrition de la plante), clairsemé, avant qu’il ne flétrisse. Mais aussi un aspect très particulier de l’écorce ou des branches qui présentent des taches allongées en « flammes » de couleur rouge violacé d’où le nom de la maladie.
Divers recoupements permettent de penser que la maladie, venant des USA où elle fut reconnue en 1935, fut introduite en Europe, et notamment dans plusieurs ports de la Méditerranée, à l’occasion du débarquement des troupes alliées lors de la seconde guerre mondiale en 1944 (les caisses de munitions étaient en bois de platane et avaient été stockées dans le parc Borelli à Marseille ; le contact de ses caisses avec l’écorce des platanes locaux marque le début d’une contamination qu’on mettra plus de 30 ans à détecter). Le mal était fait. Les entreprises d’élagage, qui ne désinfectait pas leurs outils, et les engins de terrassement ont transporté la maladie. Une simple éraflure, un coup de canif ou la coque d’un bateau se frottant aux racines peuvent suffire pour inoculer la mal.
En France, la maladie fut signalée pour la première fois en 1974 à Marseille (fin 1984, 10 000 arbres étaient déjà morts), puis en diverses localités de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La lutte contre cette maladie est rendue obligatoire par des arrêtés préfectoraux dans les Bouches-du-Rhône (18/02/1985) et en Vaucluse (07/07/1989).
Si l’homme, comme nous l’avons dit plus haut, est le principal responsable de l’extension de la maladie, par les blessures qu’il provoque, ou plus encore par l’utilisation d’outils ou d’engins contaminés, il faut cependant signaler que la maladie peut aussi se propager d’un arbre à l’autre à la faveur des soudures entre racines d’arbres voisins. Ce mode de propagation est particulièrement fréquent semble-t-il, le long des routes. Mais les eaux courantes sont malheureusement aussi de très bons vecteurs vis-à-vis des nombreux platanes poussant le long des rivières et canaux.
Hélas, le platane a bien d’autres ennemis que les malheureux automobilistes ou les maladies sensibles : et des ennemis, comme nous allons voir, beaucoup plus dangereux. Le platane est sensible au froid, surtout aux froids tardifs intervenants après le réveil de la végétation (réveil qui intervient bien avant l’éclosion bourgeons et qui passe alors inaperçu) lors de montée de sève. Il est fréquent alors d’observer chez les arbres, des fentes verticales, intéressants l’écorce sur toute la hauteur du tronc crevasses ainsi formées qui sont assez spectaculaires, mais elles cicatrisent en général assez vite toutefois elles n’ont pas été le siège d’infection des germes pathogènes.
La chlorose ferrique :
C’est un accident qui se manifeste par un jaunissement des feuilles tissant dans les cas graves au dessèchement celles-ci ainsi que des pousses ou de branches entières. Cet accident est provoqué par une teneur trop élevée du sol en calcium, ce qui entraîne une perturbation dans le métabolisme du fer. Si la chlorose est aggravée par la sécheresse ou à l’inverse par un excès d’eau, cet accident peut cependant être soigné avec succès par des apports de fer au sol sous forme de chélate de fer. Alors que le gel et la chlorose ferrique sont des accidents qui n’engagent pas (ou peu) la responsabilité de l’homme, en est d’autres, parfois très graves résultants de l’activité humaine. Ce sera le cas de la pollution atmosphérique, qu’il s’agisse de celle, chronique, due à la circulation automobile, en ville notamment, ou de celle qui sévit dans zones industrielles. Un autre type de pollution résultant de l’activité de l’homme est celle qui frappe le sol au voisinage des canalisations urbaines de gaz : des fuites, même légères, peuvent ainsi compromettre gravement la vie des platanes dont les racines sont situées à proximité.
Enfin, on ne peut passer sous silence une forme de pollution provoquée par l’homme : la pollution du sol par le sel de déneigement. Car le platane, comme l’homme, ne supporte pas l’excès de sel. Il peut même en mourir : lorsque la neige fond sous l’action du sel apporté, la saumure se rassemble dans les petites cuvettes ménagées au pied des arbres et, selon les types de sol et la pluviométrie, les ions toxiques Cl- = (chlorure) et Na+ = (sodium) s’accumulent dans le sol au niveau des racines. En ville, de tels dégâts sont particulièrement fréquents… près des arrêts d’autobus ! On a estimé qu’à Paris, 3500 platanes étaient morts en 1986-1987 à la suite d’apports de sel.
L’insecte le plus dommageable est sans conteste le tigre du platane (Corythucha ciliata Say.), d’introduction récente dans le sud de la France. Un même arbre peut en héberger des milliers : vous avez compris qu’il s’agit simplement d’un insecte ainsi baptisé, probablement, à cause des taches noires qui ornent son corps. Les dégâts qu’il occasionne en piquant les feuilles se traduisent par un jaunissement du feuillage et un affaiblissement de l’arbre, mais la vie de ces derniers n’est jamais compromise.
Deux maladies cryptogamiques doivent aussi être signalées : il s’agit d’abord de l’oïdium ou « blanc » qui se caractérise par l’apparition d’un feutrage mycélien blanc visible très souvent sur les feuilles de rejets prenant naissance à la base des souches, mais pouvant atteindre également le feuillage d’arbres adultes lorsque les conditions lui sont favorables. L’agent responsable est un champignon parasite Microsphaera penicilliata (Wallr. : Fr.) Lév. La seconde maladie cryptogamique a été baptisée « anthracnose ». Provoquée par le champignon Gnomonia platani, l’anthracnose attaque essentiellement les feuilles sur lesquelles elle provoque une nécrose des nervures puis du limbe. Les feuilles ainsi touchées se dessèchent et meurent. Il peut en résulter une défeuillaison partielle des arbres, particulièrement spectaculaire lors des printemps humides.
Il ne manque pas dans l’arsenal phytosanitaire, de produits pesticides pour lutter contre l’anthracnose, l’oïdium ou le tigre, mais sauf cas particuliers, des interventions anti-parasitaires avec ces produits sont rarement nécessaires ; elles ne sont d’ailleurs réalisables qu’avec des pulvérisateurs à turbine de grande puissance lorsque les arbres sont de grande taille.
Le tronc du platane est souvent considéré comme un vulgaire poteau : sa robustesse sera mise à profit pour fixer les objets les plus divers ; on y enfoncera des clous pour y fixer des fils à linge : on y fixera balises et panneaux en tout genre. Si de telles blessures ne s’infectent pas, le platane forme un bourrelet cicatriciel qui finit par absorber littéralement le corps étranger. En raison de cela, les menuisiers n’aiment guère débiter le tronc d’un platane dont le bois, souvent truffé de ferraille, met à mal les dents des scies.
Son tronc à l’écorce fine se prête également bien aux graffitis ! Hormis le choc à grande vitesse d’un véhicule contre un platane en bord de route, évoqué précédemment, les voitures provoquent parfois des dégâts sérieux sur les aires de stationnement plantées de platanes. Les troncs, laissés très généralement sans protection, sont alors, de façon répétée, blessés par les pare-chocs des véhicules et cela d’autant plus facilement que l’asphalte atteignant la base des arbres invite les automobilistes à s’approcher jusqu’à toucher ceux-ci.
L’anthracnose, oïdium et tigre :
L’anthracnose n’est pas la maladie la plus dangereuse à toucher les platanes. C’est un champignon qui attaque généralement les arbres fruitiers et les légumes. Les symptômes sont l’apparition de tâches noires ou brunes sur les feuilles, il ne met pas en péril la vie des arbres.
L’oïdium est une autre champignon, de la famille des érisiphacées. On le détecte lorsque une moisissure ou un léger duvet blanc apparaît sur les feuilles. Il prolifère au printemps et en automne lorsque la chaleur se conjugue à l’humidité.
Plus ennuyeux et spécifique est le tigre du platane. Il s’agit d’une punaise envahissante qui se nourrit en ponctionnant les feuilles. Comme il est dépourvu d’ennemis naturels, sa prolifération n’est limitée que par les conditions climatiques. Les arbres affaiblis perdent leurs feuilles et deviennent plus sensibles aux attaques.
Les platanes du canal du Midi et celui de la Garonne :
Les 70 000 platanes présents le long de l’œuvre de Pierre-Paul Riquet classé à l’Unesco sont condamnés. Un champignon microscopique (le chancre coloré) en est la cause, pour lequel il n’existe aucun traitement. La mortalité inéluctable et galopante se solutionnera uniquement par l’abattage puis par la replantation d’un clone résistant et d’autres essences.
On ne sait pas vraiment comment cette maladie est arrivée sur le canal du Midi. En 2006, le premier foyer détecté à Béziers était déjà contaminé depuis 7 ans. Les débris de bois contaminés et essaimés dans le canal ont propagé la contamination vers l’aval. Abattre et dessoucher les arbres malades et ceux alentour semble l’unique solution.
André Vigouroux, spécialiste des arbres fruitiers à l’INRA pendant 20 ans, est devenu « Monsieur Platane ». même s’il admet qu’il n’y a pas de solution miracle, ses recherches l’ont amené à découvrir auprès d’un collègue américain un clone résistant obtenu en 2004, après 13 ans de travail de sélection. Cela a donné, après un croisement en un platane américain et un platane oriental, le Vallis clausa dont le nom de la gamme est Platanorâ produit exclusivement et sous licence par un pépiniériste avignonnais. Ce clone résistant repeuple déjà certains sites (Trèbes, Béziers, Castelnaudary, Carpentras, ……). Tout cela a un coup, chaque platane revient 440 € pièce, et 1000 € avec la garantie d’entretien.
L’INRA continue des recherches et à effectuer des sélections car le seul clone résistant pourrait à son tour être décimé par un nouveau parasite (André Vigouroux planche sur des hybrides avec des gênes de résistance différents de ceux de Vallis clausa).
L’établissement public des Voies navigables de France (VNF) a mis en place une signalétique pour permettre de repérer les platanes touchés par le chancre coloré par des traits peints de couleur autour du tronc :
– un trait vert : le platane est douteux et présente quelques symptômes typiques de la maladie
– deux traits verts : le platane présente tous les symptômes du chancre coloré
– un trait rouge : le platane doit être dévitalisé et abattu
Sur ces zones balisés, il est recommandé aux navigants de ne pas s’amarrer, piétons et cyclistes sont invités à ne pas y circuler, et ne rien y graver ou fixer.
Les premiers platanes résistants au chancre coloré :
Le chancre coloré du platane est provoqué par un champignon interne à l’arbre et hors d’atteinte de tout traitement. La maladie tue un bel arbre en 4 à 5 ans et près de 30 000 plants ont déjà été affectés rien qu’en France. La prophylaxie – théoriquement efficace – est très contraignante, très coûteuse et mai appliquée. L’utilisation d’un type de platane résistant à la maladie s’imposait donc. Tous issus de quelques croisements très récents, nos platanes communs ne pouvaient receler d’individus résistants dans leurs rangs mais leur parent américain, qui depuis longtemps côtoie le parasite (lui aussi originaire des USA), en a révélé quelques-uns. L’espèce n’est malheureusement pas acclimatée en Europe et la démarche du laboratoire de pathologie végétale de l’INRA a consisté à récupérer la résistance en croisant ces individus particuliers avec quelques exemplaires du platane d’Orient, l’autre parent de notre platane. On a ainsi obtenu un type d’arbre très proche de ce dernier mais enrichi de la résistance au chancre coloré. Encore a-t-il fallu trier, parmi les milliers de descendants fournis par ces hybridations, les quelques sujets ayant hérité des précieuses propriétés de leurs parents d’Outre-Atlantique. Pour cela, un test d’inoculation commode et fiable du parasite a dû être élaboré, d’ailleurs avec difficulté. Appliqué de façon répétée à des arbres âgés de deux ans minimum puis à des rejets produits par leurs souches après rabattage, le test a abouti à la sélection de quelques individus intéressants, capables de surmonter complètement l’infection puisque le parasite n’y est plus décelable. Mais les parties aériennes ou racinaires de ces arbres ne manifestent pas toujours simultanément le degré de résistance voulue. Seuls deux individus présentent ce précieux avantage. Ils devraient être transférés très prochainement à un pépiniériste pour multiplication, élevage et mise en marché. La sélection est cependant poursuivie pour disposer d’une plus grande diversité génétique et préserver l’avenir.
André Vigoureux (INRA. Pathologie végétale, Montpellier)
Des moyens de prévention à appliquer
« Mieux vaut prévenir que guérir » ; le proverbe est vrai aussi pour les maladies du platane. Sachant donc que les parasites lignivores et également l’agent du chancre coloré pénètrent par des blessures, il conviendra d’éviter aux arbres toutes celles que nous pouvons maîtriser y compris les élagages. On les réduira au strict minimum comme cela se pratique maintenant dans certaines localités (taille douce dite encore « taille au grimper ») et depuis peu, en bordure des routes de certains départements grâce à l’action intelligente des services techniques opérant en lien avec l’institut national de la recherche agronomique (INRA). On conservera ainsi au platane le port naturel majestueux qui est le sien. Et naturellement, les blessures que l’on ne peut éviter, qu’elles soient accidentelles ou dues à une taille raisonnable, devront être aussitôt protégées des infections par l’application d’un enduit fongicide : il en existe d’excellents dans le commerce sous forme de peintures par exemple.
Mais bien souvent, hélas, l’intérieur du tronc et des grosses branches est déjà altéré par des pourritures diverses. Si cette altération est produite par des champignons lignivores, on peut alors tenter de soigner les arbres : c’est la lutte curative. Cette lutte consistera à enlever tout le bois altéré par un curetage soigné de tout l’intérieur de l’arbre. Inutile de préciser que cette opération est longue et délicate et donc coûteuse : il s’agit, comme on l’a appelé, d’une véritable « chirurgie arboricole » pratiquée par certaines entreprises spécialisées. Ce curetage est complété par la pose de drains dans les cavités créées, susceptibles de retenir l’eau de pluie et d’être ainsi des foyers de pourriture, et par l’application d’enduits protecteurs sur les tissus mis à nu. Enfin, des tiges métalliques sont insérées dans l’arbre afin de renforcer sa résistance mécanique Soulignons cependant que l’efficacité de cette méthode sur le plan phytosanitaire n’a pas encore été démontrée. Si la protection des blessures par badigeon fongicide s’applique aussi bien au cas des champignons lignivores qu’à l’agent du chancre coloré, la gravité de cette dernière maladie, du fait de sa rapidité de progression, nécessite en outre des mesures particulières de lutte. Ainsi, dans le cas de foyers existant le long des routes, on peut être amené à dévitaliser chimiquement (par injection de glyphosate) les arbres apparemment sains jouxtant des arbres atteints. Cette dévitalisation interdit alors la propagation du parasite hors de la zone atteinte par le contact des racines. Mais on ne connaît hélas pas encore de méthode susceptible de guérir les sujets touchés, et cela malgré de nombreux essais réalisés actuellement par les services de l’INRA. De plus, comme il s’agit d’une maladie particulièrement contagieuse, il faut impérativement éviter tout contact (mains, instruments, etc.) avec les arbres malades ou bien alors désinfecter soigneusement à l’alcool tout ce qui a touché un sujet atteint.
Le platane, un compagnon à respecter :
À la fin de cet exposé, je serais tenté de dire que le platane est le souffre-douleur de bien des hommes. Mais, et cela n’est point une excuse, les tribulations du platane ne datent pas d’hier, puisqu’en 1831, Stendhal, dans Le Rouge et le Noir, parlant d’une allée de magnifiques platanes dans une petite ville de la vallée du Doubs, nous dit ceci :
« Ce que je reprocherais au cours de la Fidélité, c’est la manière barbare dont l’autorité fait tailler et tondre jusqu’au vif ces vigoureux platanes. An lieu de ressembler par leurs têtes basses, rondes et aplaties, à la plus vulgaire des plantes potagères, ils ne demanderaient pas mieux que d’avoir ces formes magnifiques qu’on leur voit en Angleterre. Mais la volonté de M. le Maire est despotique et deux fois par an, tous les arbres appartenant à la commune sont impitoyablement amputés… ».
Et, peu après, nous trouvons en 1857 une plaidoirie pour les arbres de nos villes sous la plume du Comte Jaubert :
« L’existence des arbres de nos promenades publiques est exposée à mille dangers… nos descendants pourront un jour lire sur la tranche de ces arbres la date précise de nos malheurs ».
Et, pourrait-on ajouter, la date des malheurs des arbres ! Mais au fond, l’exemple du platane que nous venons d’évoquer, n’est-il pas un cas particulier et n’est-ce pas toute la nature qui est devenue le souffre-douleur de l’homme.
Il serait facile de trouver d’autres arbres, d’autres plantes victimes de l’homme, de sa cupidité, de son imprévoyance, de sa courte vue et, disons le mot, de sa bêtise. Alors, espérons qu’ayant su remettre en cause nos agissements, nos comportements, nous pourrons longtemps encore, nous et nos enfants, profiter des bienfaits du platane, de ce bel arbre pour lequel, Paul Valéry (Charmes, 1922) avait composé ces vers qui me serviront de conclusion :
« Tu penches, grand platane, et te proposes nu,
Blanc comme un jeune Scythe,
Mais ta candeur est prise, et ton pied retenu
Par la force du site…
De ton front voyageur les vents ne veulent pas
La terre tendre et sombre,
Ô platane, jamais ne laissera d’un pas
S’émerveiller ton ombre !
Ce front n’aura d’accès qu’aux degrés lumineux
Où la sève l’exalte ;
Tu peux grandir, candeur, mais non rompre les nœuds
De l’éternelle halte…
Haute profusion de feuilles, trouble fier
Quand l’âpre tramontane
Sonne, au comble de l’or, l’azur du jeune hiver
Sur tes harpes, Platane,
Ose gémir !… Il faut, ô souple chair du bois,
Te tordre, te détordre,
Te plaindre sans te rompre, et rendre aux vents la voix
Qu’ils cherchent en désordre ! »
Fourbes platanes
C’est connu, les platanes sont des arbres sournois. En témoignent les nombreuses fois ou ils se jettent sous les roues d’automobilistes qui roulent tranquillement, sans rien demander à personne, provoquant ainsi de graves accidents de la route. L’an dernier (en 2002), un commando de motards a réglé leur compte à 96 platanes, après que l’un de leurs camarades se fut tué à moto contre l’un d’eux. Certes, en 2000, 10,4 % des victimes de la route, soit 799 personnes, avaient terminé leur existence contre un arbre et certains platanes sont effectivement dangereux.
Est-ce une raison pour abattre en masse les platanes des bords de route, comme cela a été le cas dans le Gers, où l’on a coupé environ 20 000 arbres en vingt ans ? Comme l’a écrit un journaliste anglais, John Lichfield, « les platanes, contrairement à de nombreux automobilistes français, n’abusent pas de l’alcool, ne commettent pas d’excès de vitesse, somme toute, peu d’embardées ».
Ces arbres des bords de route, comme ceux des haies, des bosquets, des vergers ou des prés, méritent en fait qu’on y accorde de l’importance. Les arbres hors forêt ne couvrent plus que 1,7 million d’hectares (3 % du territoire), contre 4,5 millions an début du siècle. Depuis 1975, la France a perdu environ 20 000 kilomètres d’alignements d’arbres de bords de route, soit environ 3 millions d’arbres, d’après des données de l’Inventaire forestier national.
Ces arbres ont une utilité biologique : ils retiennent l’eau, ont un effet brise-vent, limitent l’érosion des sols, et maintiennent la diversité biologique des populations d’oiseaux ou d’insectes utiles a l’agriculture. Ils forment aussi ce que l’on appelle des « corridors biologiques », qui permettent à la faune sauvage de circuler entre deux zones naturelles, notamment des forêts, assurant ainsi le brassage des populations. Les arbres de bord de route, anonymes et mal aimés, font eux aussi, partie de cette « nature à portée de main.
Le platane de Gortyne : Platanus orientalis var. Cretica.
Gortyne est une cité grecque de Crète, située sur les bords du fleuve Léthée et au pied du mont Ida.
Sur le plan botanique tout d’abord, celui que l’on trouve à Gortyne, près de l’Odéon, est une variété endémique extrêmement rare à feuilles persistantes, seuls une trentaine de spécimen ont été localisés de façon sporadique, à basse altitude et uniquement en Crète.
La Crète tient une place primordiale dans la mythologie grecque et l’île est indissociable de l’amour entre Zeus et Europe dont l’union sacrée est localisée par toute la tradition antique sous ce fameux platane toujours vert de Gortyne.
En voici la légende racontée par Paul Faure (*) :
“Du haut de l’Ida crétois, sa montagne sacrée, le dieu Zeus a aperçu, sur une plage de la lointaine Asie [ dans la région de Tyr au Liban ], la jeune Europe, fille d’Agénor ou de Phoenix. Il s’est élancé, il a pris la forme d’un taureau blanc, il a séduit, il a ravi la princesse et, à travers la mer, il l’a transportée sur son dos jusqu’au cap Sidero de Crète. Là, il s’est fait connaître pour son amant et pour son maître, et puis ils sont allés célébrer leurs noces près de Gortyne, sous un platane toujours vert. Trois enfants sont nés de ces amours, Minos, Rhadamanthe et Sarpédon.”
Paul FAURE : la vie quotidienne en Crète, au temps de Minos ; Georges SFIKAS ; Wild flowers of Crete.
Actuellement, des gens lui prélèvent régulièrement des feuilles, dans l’espoir sans doute d’avoir une descendance nombreuse.
Je suis triste de voir peu à peu disparaitre cet arbre magnifique et aujourd’hui j’assiste tristement à l abatage de 5 platanes, honteux pour l’homme
Je rejoints John Lichfield, et je trouve très beau une route bordée de platanes.
C’est un arbre magnifique qui doit être protégé, rien de plus beau qu’une allée de platanes, Napoléon el savait bien aussi, mais loin de cela, le platane reste un arbre millénaire, à respecter, et qui rest le compagnon de l’homme, une très bel arbre que la nature nous a offert